April's Spells
In his works, Anton combines images and fragments from various historical periods and cultural backgrounds. This unexpected reconstruction of open-ended forms results in compositions that invite us to dream, and in dreaming to recall and interpret his work in our way. In some pieces, fantastical landscapes become a celebration of the emptiness and beauty of nature. While in others, we discover the strong presence of anonymous yet recognisable figures. Through vivid and playful works of colour, Anton’s compositions are a multilayered research into the nature of light and visual perspective. April’s Spells is an exhibition that combines a selection of artworks inspired by nature's awakening and unfolding of spring as it flourishes into new life. The revival of the metabolic processes after the desolation of the winter hibernation is like the whispering winds of a spell that flow through the art, enveloping it and bringing nature’s habitats back to life. It is the artist’s desire that these works of art have a similar effect on us, dragging us gently from the everyday monotony of our lives and awakening us back to a more primal life. The natural environment in its constant state of flux is the main element of Anton’s work and reflects his childhood. Growing up on the island of Mali Losinj in Croatia, Anton saw how the dramatic fluctuations of the seasons, the waters, the weather, and even flora and fauna all constitute the fluidic scenography of everyday life. The natural landscape forms the omnipresent backdrop for the imaginary characters of the artist’s work. It is against this backdrop that Anton’s collages pursue the unveiling of the natural forces, in the same way, that alchemy once searched for an explanation of the earth’s natural elements. Alchemy was one of modern man's first attempts to explore natural elements and codify its messages, this once again is a strong influence on Anton’s work. Anton experiments with the discovery of reality, not by merely copying or imitating it, but by making an abstraction of it and therefore opening it up for interpretation. His approach to landscapes is like gazing through our memories, associative thoughts and process of self-identification. A landscape is never neutral but strongly rooted in our past experiences and our ability to recognise ourselves inside it. Change occurs when an artist’s images reach our memories. Fascinated by the spell, we dwell on thoughts that can’t be accessed otherwise.
Pavel Yanchev ( architect and friend )
The Garden and the Room Above
"Horvatović's paintings are physical, involved, and constructed with recurring motifs and themes that move between his personal experience and the more universally symbolic - yet these works are not the product of any coolly executed plan - the success of the paintings lies entirely in their resolution through the act of painting.
Fascinated by the Baroque master of chiaroscuro, Rembrandt, the paintings of a Horvatović are nocturnal - internal in every sense. Familiar identities are discovered, suggested - a youth, a cowboy - then sublimated into idiosyncratic narratives that remain open to interpretation - open largely through the raw intentionally 'unfinished' handling of paint that allows the imagery to 'move'.
"The Garden and the Room Above" is Horvatović's highly personal journey in painting. Our engagement is broad - formally enthused through his application of paint, and sustained subjectively by the presence of an individual's compelling pictorial concerns."
Simon Liddiment (artist, friend and curator of the show "The garden and the Room Above")
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ELLIPTIQUES INITIATIONS
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants.
Avant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Baudelaire, Les Fleurs du Mal, IV, 1857
La première exposition personnelle à Bruxelles, à laquelle nous convie, l'artiste Anton Horvatovic à la U Own Gallery nous plonge d'emblée dans un monde insolite, étrange, un univers quasi magique, touffu et complexe, empli de citations curieuses, de références ésotériques, baignant dans une atmosphère parfois angoissante, toujours sourde et obscure, à la limite de l'hallucination. On pénètre dans son œuvre comme dans une forêt dense, pleine de symboles, cette forêt baudelairienne mythique, de laquelle, une fois pénétrée, on ne sort jamais, et qui fait de la vie du poète une source inépuisable d'émerveillement.
Lorsqu'Anton Horvatovic convoque cette « forêt de symboles », il s'agit pour lui d'exprimer sa vision du monde : allusive, symbolique,elliptique. En effet, le peintre (car nous sommes résolument en présence d'un peintre, qui pratique ce médium avec puissance et sincérité) nous propose d'y voir un système complexe où chaque chose symbolise une autre, symbole qui peut varier au gré du temps et des sensations… et qui nous échappe à mesure que l'on croit l'avoir compris. Car des lettres, des mots, des phrases manquent à la parfaite cohérence d'une histoire, d'un message. Cette élision permanente en fait la caractéristique de son travail.
L'artiste nous attire dans son univers par le biais d'une succession de crampons mémoriels, de bribes de réalité, comme un puzzle d'images archétypales et de souvenirs brouillés, directement reliés à son enfance, et qui agrippe le spectateur qui, par son cheminement personnel, y trouvera ses propres références. La peinture se veut ici parcours initiatique, comme l'est en général toute élévation au degré supérieur de l'éveil, à la façon du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling.
On pourra ainsi voir dans les feuilles foisonnantes de cette jungle initiatique, qui est aussi le sujet exclusif de cette première toile 'I have told you all these things', une métaphore de la vie. A priori, l'existence de tout être, de toute civilisation, commence par un grand récit, un mythe fondateur, souvent impénétrable et ésotérique, (« Je t'ai raconté toutes ces choses ») qu'il appartiendra à chacun d'éclairer sur le chemin de la vie. Chez l'homme (masculin), Romain Gary parle aussi d'une promesse, d'un engagement que la vie fait au petit garçon, au sujet de l'amour maternel, dans son roman, « La promesse de l'aube », amour qui porte en lui son exclusive et permanente impossibilité (« Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube, une promesse qu'elle ne tiendra jamais… »)…
Récit incompréhensible au jeune apprenti, qui est aussi cet enfant de Croatie, encore frappé par le système scolaire et les
mouvements de jeunesse de l'ère de Tito, récit fait d'images éparses qu'Anton rassemble pour en faire SON chemin. Car il semble inévitable que ce jeune homme, qui a grandi dans l'ex-Yougoslavie, ait acquis cette propension à interroger l'image, à la symboliser, à la subvertir, à la détourner et à la mystifier, par l'influence même de cette histoire politique dont il fut traversé, qu'il le veuille ou non, propagande qui porte en elle un mensonge, la falsification d'un récit hypertrophié, et qui, tôt ou tard place le sujet pensant, par un effet de dévoilement, derrière le miroir des illusions, hors de l'occultation. Cette volonté marquante dans son travail d'aller chercher d'autres significations, d'autres « signifiances », derrière le signifié, ne peut être étrangère à cette histoire personnelle qui rejoint chez lui la Grande Histoire.
Ce feuillage d'acacia, cet arbre symbolique de la vie éternelle et de la résurrection, dans le célèbre mythe fondateur d'Hiram, architecte du Temple de Jérusalem, est une forme de promesse sur ce que porte en lui précisément le récit de la vie... Hiram est mort assassiné sous les coups de ses frères jaloux… On plantera sur sa tombe (et aussi dans son crâne) un acacia aux vertus revitalisantes. Voici le type d'épreuves qui attend l'homme en devenir, dans son destin.
Si l'exposition s'intitule « The garden and the room above », c'est qu'il faut aussi y voir une partition spatiale voulue par l'artiste dans la disposition des toiles aux deux niveaux de la galerie : le monde d'en-bas et le monde d'en-haut se juxtaposent mais ne se rencontrent jamais. On monte à l'étage comme on prend l'ascenseur vers le sacré. Cette exposition est donc elle aussi, en tant que telle, une expérience sensible initiatique. Le scout qui grimpe à la corde (« Give them enough rope ») semble vouloir accéder à des réalités supérieures.
Le jardin ne serait donc ici que le réceptacle confiné de réalités enfouies, refoulées peut-être, inassumées, embrouillées dans une mémoire protectrice parce que lacunaire… Ce jardin n'est pas celui de l'Eden. Il s'agit du sanctuaire de nos souvenirs obscurs qui, dans cet univers sylvestre, fait de froissements, de frémissements, demandent à être clarifiés, dans le grand bruissementd'une vie en devenir, qui sonne comme une promesse.
Le scoutisme, la forêt, la nature primordiale, l'obscurité, participent de ce grand Mystère auquel le spectateur demande d'être initié. Il lui est ainsi proposé de monter dans « The Room above »… pour accéder à la Révélation.
Arrivé à l'étage, le jeune récipiendaire, qui est ce jeune scout que nous avons tous été, peu ou prou, approche des réalités nouvelles : figures, couleurs, formes, objets… Il accède à ce niveau supérieur comme l'on entre dans un Cabinet de Curiosité, ce schatzkammer censé regrouper dans un espace réduit les merveilles du monde… Mais le visiteur se trouve à nouveau confronté à une nouvelle symbologie. Ce cabinet de réflexion est à présent l'antichambre d'une initiation nouvelle qui appelle à d'autres réalités, à la révélation d'un nouveau mystère…
Un cowboy au Stetson vissé sur le crâne accueille le visiteur : il porte une veste chamarrée de couleurs que n'aurait pas reniée Elvis.
Le cowboy, cet initié de notre exposition, est par ailleurs l'image même de la virilité accomplie, de ce prototype humain qui dompte la sauvagerie animale. Un coreligionnaire, une femme vraisemblablement (« Lady of the Leaves »), est quant à elle la tête dans un feuillage… Ces deux personnages, comme dans certains rêves, n'ont pas de visage. Ils semblent pourtant avoir réussi l'épreuve qui leur donne accès au monde d'en haut. Figures ectoplasmiques dont les visages sont traités dans ce brun caractéristique, dit « momie » en peinture, ces personnages pourraient bien être la métonymie du « caput mortuum » qui relève directement de l'expérience alchimique. Est-ce un hasard si cette « tête de mort » figure d'ailleurs sur le chapeau du personnage féminin, sous la forme synthétique du triple point triangulaire de la symbolique hermétique ? A n'en pas douter, le peintre se réfère également dans ces visages noirs à la mélancolie, cette humeur noire, dont les visages absents et obscurs, renvoient immanquablement au monde saturnien des profondeurs, et qui tranchent avec la vivacité des couleurs et la gaité des costumes. « The Spirit of petrol » est une personnification de l'esprit, au sens de spiritueux, dont la part d'alcool aurait évaporé la personnalité…
Deux personnages dont la tête a été remplacée par une forme thyrsoïde semblent faire écho à deux amanites, champignons hautement vénéneux, une statuette luciférienne, sorte de fétiche vaudou inspiré d'un chandelier Empire, et qui se découpe devant des feuillages flammés bleus, une sculpture quasi capitoline d'un enfant combattant un loup au-dessus de la cîmes de sapins, eux-mêmes cantonnés par les rails d'une montagne russe ou d'une rampe de ski acrobatique directement sortie des jeux olympiques d'hiver de Sarajevo en 1984, une figure chamanique bariolée à la tête porcine (au titre énigmatique de « Shadow tracer »), ... tous ces éléments s'enchevêtrent sans logique apparente, tel l'enchaînement des scènes d'un cauchemar, et provoquent chez le spectateur un sentiment d'étrangeté et d'aliénation.
Tel un thème musical qui revient sur différentes variations, des formes blanches indéfinies circonvoluent autour des sujets et des objets, comme les fantômes résiduels de la nuit éveillée à laquelle Anton Horvatovic nous condamne à nous abandonner face à ses œuvres. Le peintre travaille en pulsions et en gestes parfois aléatoires, créant des accidents picturaux qui aggravent le contexte… Cet enfant qui dessine devant un papier peint bleuté, semble aveuglé par son propre travail… Nul doute qu'il s'agit du peintre dont l'œil énucléé (l'est-il ou s'agit-il d'un geste accidentel de l'artiste ?) ne voit plus qu'à l'intérieur de ses fantasmes, de ses propres noirceurs…
L'initiation poursuit son cours, tandis que le mystère s'épaissit. L'angoisse existentielle qui saisit le spectateur ne connaîtra pas de repos ni de dissipation. The Room above est un non-lieu fantomatique, de ces endroits flottants où seul le mystère densifiela réalité… Il est temps de poursuivre et de monter à l'étage supérieur… The Room above en appelle une autre. Celle-là même qui nous attend tous, à mesure que se déroule l'existence, et qui nous conduit, étage après étage, à l'Ultime Initiation que le profane appelle la Mort.
Constantin Chariot (director of "La Patinoire Royale" and CEO @ Chariot Art Management )